Anne-Cécile Robert (1965 -....)

La stratégie de l'émotion


  • Les sentiments sollicités ou encouragés, s'installent au cœur des relations sociales au détriment des autres modes de connaissances, comme la réflexion ou la raison. (p.12)

  • Tout concourt à ce que les individus s'ancrent ans un état émotionnel qui les prive d'emprise sur eux-mêmes, les incitant à ressentir plutôt qu'à penser, les entraînant à subir plutôt qu'à agir, et les empêchant précisément de se comporter en citoyen. (p.12)

  • Quel que soit le domaine, l'émotion est convoquée, valorisée, elle détermine même le jugement qu'on porte sur une situation. (p.13)

  • Contrairement à une idée répandue, traiter un évènement sur le registre émotionnel ne constitue pas une garantie de pertinence et d'objectivité. (p.15)

  • La raison met en effet à distance les passions subjectives qui, par nature, divisent. (p.17)

  • La gestion des émotions par la société débouche de nos jours sur un phénomène inédit : la gestion de la société par les émotions. (P.20)

  • L'invocation de la sensibilité se révélant en effet éminemment subjective, le débat devient tout simplement impossible. (p.38)

  • Parmi toutes les vertus qu'on lui prête, et c'est la caractéristique qui lui donnerait presque la valeur de talisman, l'émotion est perçue comme « vraie ». [...]Elle ne saurait mentir. Elle serait, l'épithète s'impose, « authentique ». (p.121)

  • En même temps, l'émotion peut se révéler trompeuse : emporté par l'émotion d'un instant, on peut dire des choses qui dépassent notre pensée, on peut commettre des actes regrettables, on peut se tromper d'objet d'affection ou de haine. Si l'émotion dit quelque chose, elle ne dit pas forcément ce qu'il est juste de penser ou de faire. (p.122)

  • L'association entre « émotion » et « vérité » se révèle donc particulièrement discutable et conduit à confondre plusieurs registres, notamment celui de l'empathie et celui de jugement. (p.123)

  • S'émouvoir est plus simple que penser, ce que démontre bien l'usage de la petite icône « j'aime » sur les réseaux sociaux, symbole du pouvoir démesuré que l'on accorde au ressenti pour déterminer le vrai du faux: en un clic, d'un mouvement d'humeur spontané, le débat est clos, la vérité est révélée. (p.123)

  • L'imaginaire réducteur de l'émotion attribue logiquement toutes sorte de vertus à celui qui souffre. (p.137)

  • L'accent mis sur la compassion conduit en effet trop souvent à faire de l'opprimé une icône moderne, unidimensionnelle, immaculée. (p.139)

  • On peut à la fois lutter pour améliorer le sort des migrants et porter un regard lucide sur les conséquences sociales de leur présence. (p.139)

  • L'émotion peut attirer l'attention, mais elle ne permet pas forcément de comprendre et de prendre la bonne décision. (p.140)

  • La raison, étant le propre de l'être humain, tire un trait d'inégalité à la fois dissuasif et salvateur entre l'humanité et le règle animal. (p.144)

  • Le remplacement de la reconnaissance de devoirs à l'égard du règne animal par l'idée que les animaux ont des droits n'est qu'une manifestations du déclassement de la raison dans les sociétés modernes. (p.144)

  • L'émotion demeure l'ennemie radicale de la raison: elle n'essaie pas de comprendre, elle « ressent. » L'émotion pose un redoutable défi à la démocratie, car il s'agit, par nature, d'un phénomène qui impose au citoyen une position passive et le contraint à réagir au lieu d'agir. (p.145)

  • Il n'existe pas de démocratie sans affrontement, sans conflits, mais ceux-ci doivent s'exprimer sans violence. (p.153)

  • L'emprise de l'émotion mine l'espace public en développement une forme de relativisme qui isole chacun dans sa sphère intime. (p.153)


    La stratégie de l'émotion, Lux, 2018 (ISBN 978-2-8959-6285-4)




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    dernière mise à jour : 27/10/2018 version: YF/10/2018