Nicholas Carr (1959 -....)

Remplacer l'humain

Critque de l'automatisation de la société


  • Dans un monde où toutes les voitures seraient contrôlées par des ordinateurs il n'y aurait plus besoin de feux rouges ni de panneaux stop. (p.20)

  • L'ordinateur tient lieu d'outil multifonctions grâce auquel nous parcourons, manipulons et comprenons le monde à travers ses manifestations physiques et sociales. Il suffit de voir la réaction des gens dès qu'ils égarent leur smartphone où n'ont plus accès à internet. (p.21)

  • Se servir d'un IPhone pour identifier un morceau de musique joué dans un bar est une chose qui aurait été inconcevable pour les générations antérieures. (p.22)

  • Même en étant occupés à faire quelque chose nous semblons incapables de savoir à l'avance l'impact que cela a sur notre état psychique. (p.24)

  • Notre sentiment d'épanouissement atteint son point culminant quand nous sommes absorbés par une tâche difficile, aux objectifs clairement définis, qui nous demande d'utiliser et de développe nos aptitudes. (p.25)

  • L'automatisation nous met peut-être ainsi face à la question la plus importante qui soit: que signifie être humain ? (p.27)

  • Parmi toutes les activités extraprofessionnelles décrites par les sujets de leurs expérience, celle qui générait chez eux le plus grand sentiment d'être dans le flux était de conduite une voiture. (p.28)

  • [...] Si un robot était capable de travailler plus efficacement ou d'être plus rentable que son homologue humain, il y aurait de fortes chances pour qu'il finisse par prend sa place. (p.30)

  • Ce qu'exprimait de manière synthétique Bertrand Russel dans un article de 1994 : « On adore es machines parce qu'elles sont belle, et on les apprécie parce qu'elles confèrent de la puissance; on les hait parce qu'elles sont hideuses et on les trouve répugnantes parce qu'elle imposent un esclavage.» [Réf: Bertrand Russel, "La machine et les sentiments". dans Essais sceptiques..] (p.31)

  • La grande Dépression des années 1930 ne tarda pas à réfréner cet enthousiasme [pour les machines]. La crise économique souleva une vague d'indignation contre ce qui, durant les Années folles, avait été connu et célébré sous le nom d'Age des machines». Syndicats et groupes religieux, éditorialistes en croisade et citoyens désespérés, tous s'insurgèrent contre les machines destructives d'emplois et les hommes d'affaires avide d'argent qui les possédaient. « les machines n'ont pas crée le phénomène du chômage, notait l'auteur du livre à succès Men and Machines, mais elles en ont fait l'une des plaies de l'humanité.[...] A partir de maintenant, plus nos capacités de production augmenteront, moins il y aura de travail disponible. » (p.35/36)

  • « Des logiciels nouveaux et toujours plus complexes vont, ces prochaines années, rapprocher davantage encore la civilisation d'un monde à peu près dépourvu de travailleurs. » ([ref Jéremy Rifkin, dans La fin du travail, qui annonçait le début d'une « troisième révolution industrielle » (p.37/38)

  • [...] un analyste [dans un article du 25 janvier 2013] annonçait que le taux du chômage toucherait 75% de la population active avant la fin du siècle.
    voir: https://cacm.acm.org/news/160030-will-smart_machines-create-aworld-without-work/fulltext (p.39)

  • Le nombre d'emplois total dans l'industrie est en chute libre depuis des années, y compris dans des pays comme la Chine, alors même que les niveaux de production ont clairement augmenté. (p.41)

  • La logique du capitalisme, combiné à l'histoire du progrès technologique, semble tendre vers l'élimination de la main-d’œuvre du processus de production. (p.42)

  • Telle est peut-être la leçon la plus importante à tirer des travaux de Wiener et de la longue et tumultueuse histoire des machines se substituant à la main-d’œuvre humaine: la technologie progresse bien plus vite que nous. (p.51)

  • Il y a un peu plus d'un siècle, dans son livre An introduction to Mathematics, le philosophe britannique Alfred North Whitehead écrivait : « La civilisation progresse en augmentant le nombre d'opérations importantes que l'on peut effectuer sans y penser.» (voir suite dans livre !!!) (p.73)

  • D'autres études indiquent que l'utilisation de systèmes experts peut engendrer une forme de paresse chez les analystes qui débutent dans leur métier. En réduisant l'intensité de leur réflexions, ces systèmes retardent le processus de mémorisation de l'information, ce qui freine le développement de connaissance tacites essentielles à la maîtrise d'une véritable compétence. Les inconvenients de logiciels d'aide à la décision sont peut-être difficiles à percevoir, mais ils ont des conséquences bien réelles. La mauvaise estimation des risques, exacerbée par l'extrême rapidité des algorithmes de trading, joua un rôle majeur dans la crise financière de 2008. (p.84)

  • [...] la disponibilité immédiate des informations en ligne affaiblit notre mémoire factuelle. [...] Le simple fait de savoir que les informations seront disponibles dans une base de données réduit la probabilité que notre cerveau fasse l'effort de les mémoriser.

  • Avec une simple calculatrice, il est devenu possible d'automatiser la résolution de calculs mathématiques compliqués et de débloquer ainsi notre cerveau pour interpréter les résultat. Mais cela n'a d'utilité que si nous avons déjà acquis les bases de l'arithmétique. Si nous utilisons une calculatrice afin de contourner les mécanismes d'apprentissage et d'effectuer des opérations que nous ne comprenons pas, cet outil ne nous ouvrira pas de nouvelles portes. Il se présentera comme une petite boîte noire contenant un mystérieux mécanisme pour faire des calcule, qui nous empêchera d'accéder à un niveau de réflexion plus élevé. (p.86)

  • Il a ainsi été prouvé que l'utilisation d'un ordinateur dégrade de façon significative les interactions entre le médecin et son patient. (p.107)

  • En réalisant chacun une tâche spécifique, ces ouvriers produisent beaucoup plus d'épingles que si le travail avait été confié à un nombre équivalent d'artisans œuvrant séparément. De plus comme ils n'ont plus besoin d'être qualifiés ou d'avoir une formation poussée, les industriels n'ont aucun mal à recruter de la main-d’œuvre en abondance et peu coûteuse.
    Smith n'ignorait pas non plus que la division du travail préparerait le terrain pour le machinisme et contribuerait à accélérer le processus de déqualification des travailleurs. Une fois qu'une activité complexe pourrait être décomposée en une série « d'opération simple », il deviendrait d'autant plus aisé de concevoir des machines pour prendre la relève des humains. (p.113)

  • Lorsque l'automatisation atteint un seuil très élevé, le niveau de compétence du travailleur régresse inévitablement. (p.117)

  • Les anciens débats sur la signification et la définition mêmes de l'intelligence ont été rendus stériles par la puissance de calcul des ordinateurs modernes. (p.119)

  • Si nous n'y prenons pas garde, l'automatisation du travail intellectuel pourrait bien éroder l'un des fondements de notre culture : le désir de comprende le fonctionnement du monde. (p.128)

  • Une étude britannique a montré que les conducteurs utilisant des cartes en papier mémorisent mieux leurs itinéraires et les points de repère que ceux qui suivent les instruction des GPS. (p.134)

  • Dans le cadre de nos déplacements quotidiens à pied ou à bord d'un véhicule, il reste malgré tout peu probable que nous nous retrouvions dans des situations vraiment périlleuses. Ce qui soulève évidemment la question suivante : Pourquoi s'en soucier ? Pourvu que nous arrivons à destination, il importe finalement peu que nous conservions notre sens de l'orientation ou que nous le transférions à une machine. (p.135)

  • Si la conservation de nos facultés d'orientation ne représente plus un enjeu culturel, il n'en va pas de même sur le plan humain.
    [...]
    ... la capacité à s'orienter est synonyme d'enracinement. Entendre quelqu'un dire qu'il « s'est trouvé » peut parfois prêter à sourire, mais force est d'admettre que cette expression, aussi vaniteuse et éculée soit-elle, exprime le sentiment profond selon lequel qui nous sommes a trait à là où nous sommes. Il est impossible d'extraire le moi de son environnement sans l'amputer d'une part essentielle de lui-même. (p.136)

  • Cette promesse [de ne plus se perdre grâce au smartphone] à tout pour être séduisante, comme s'il était possible d'apporter une solution définitive à l'un des problèmes fondamentaux de l'existence. Elle relève bien de l'obsession de la Silicon Valley à vouloir mettre au point des application pour supprimer les « frictions » qui ralentissent nos vie. Cela dit, plus on y réfléchit, plus il ressort que ne jamais être confronté à l'éventualité de se perdre revient à vivre dans une sorte de malaise permanent. Si l'idée d'ignorer où l'on se trouve n'est plus un motif d'inquiétude, pourquoi continuer à s'en préoccuper? Une telle indifférence nous place alors dans un état de dépendance vis-à vis de notre téléphone et de ses applications. (p.137/138)

  • A cela s'ajoutent d'autres risques potentiels. Les neuroscientifiques ont fait d'importantes découvertes sur la manière dont le cerveau perçoit l'espace et se souvient des lieux. Ils insistent sur l'influence primordiale de l'orientation dans le fonctionnement de l'esprit et de la mémoire. (p.138)

  • Peu importe ce que l'avenir nous réserve, l'exemple des architectes et des designers démontre clairement que l'ordinateur n'est jamais un outil neutre. Il influence, pour le meilleur ou pour le pire, la façon dont une personne travaille et réfléchit. (p.151)

  • La nature et la finalité du travail , de même que les critères qui permettent de l'évaluer sont déterminer par les capacités de la machine. (p.152)

  • Tout travail est par nature intellectuel. L'esprit d'un charpentier n'est pas moins actif et affairé que celui de l'actuaire. Un architecte et un chasseur font tous les deux appel à leur corps et à leurs sens. (p.154)

  • Les risques sont encore aggravés par la vitesse vertigineuse à laquelle les algorithmes peuvent prendre des décision et déclencher des actions. (p.162/163) & 0 parfait A supposer que l'on puisse concevoir un système automatisé infaillible, il fonctionnera toujours dans un monde imparfait. (p.163)

  • Avec un smartphone à la main, nous nous comportons comme des fantômes qui errent entre deux mondes. (p.205)

  • Pour qu'une technologie en arrive à devenir invisible, il faut faire en sorte que ses utilisateurs ne puissent plus s'en passer. (p.208)

  • Or, la véritable erreur consiste justement à croire que ce qui est nouveau répondra toujours mieux à nos besoins. (p.236)

  • Précision : la version originale de ce livre date de 2014.
    Original : The Glass Cage: Automation and Us W.W Norton & Company, Inc, New York 2014

    (Editions L'échappée 2017. Traduit de l'Américain par Edouard Jacquemoud) (ISBN 978-23730902-7-7)



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dernière mise à jour : 23/09/2018 version: YF/09/2018