Pierre Bertaux (1907-1986)

La mutation humaine.


    AVANT PROPOS
  •    Me suive qui voudra, m'accompagne qui le souhaitera, me dépasse qui pourra, me conteste qui préfère : je n'ai aucun désir d'imposer mes vues. (p.11)

    Chapitre 1 TECHNIQUE DE LA PRÉVISION

  •     « Gouverner c'est prévoir » ; cela a toujours été vrai, mais maintenant on pourrait dire que la fonction essentielle, la mission primordiale des gouvernements, c'est de prévoir, de calculer l'avenir. (p.17)

  •     Penser l'avenir n'est pas naturel ; penser l'avenir est un fardeau ; penser l'avenir est créateur d'angoisse. [...] : il n'est pas impossible que le trait déterminant de l'époque (note : du Bas Empire, l'Empire romain) ait été la découverte de l'espace temporel, et l'accablement qui accompagne cette découverte ; Car la première révélation, et finalement la seule certitude, qu'apporte cette découverte, c'est pour chacun la pensée de sa propre mort. (p.18)

  •     Contre la pensée funèbre, l'Occidental dispose de plusieurs prophylaxies : la foi en l'immortalité de l'âme, l'immortalité du nom, la prolongation de la personne dans son œuvre, dans sa postérité ; le diverstissement. Pour retrouver la gaieté di primitif, l'Occidental est obligé de se créer un temps hors du Temps entre parenthèses dont le Temps est absent, un temps périodique non-dimensionnel : le temps de la Fête.
        Mais de toute façon l'adulte blanc ciilisé est un malade du Temps. (p19)

  •     Peut-être le plus grand apport du christianisme à la civilisation a-t-il été de fournir à l'humanité tout entière un point de repère temporel commun. (p.21)

  •     Il y a incompatiilité, contradiction entre la vérité d'une prophétie et son utilité : ou bien elle est vraie, et elle ne sert à rien; ou bien elle sert, mais elle celle d'être exacte; elle n'est plus, au mieux, qu'un avertisseemnt de l'ordre rationnel.
    ...
        La contradiction fondamentale entre la vérité de sa prophétie et son utilité est à 'origine de la notion de destin, ce destin auquel on n'échappe pas quoi qu'on fasse.
        Donc, à supposer que le don de voyance existe, il ne peut, en quelque sorte par définition, servir à rien — qu'à faire son testament. (p.22)

  •     C'est de l'astronomie que nait la notion que les phénomèrnes naturels sont régis par les lois — que donc ils sont calculables et prévisible.
        Aujourd'hui encore, le seul critérim certain d'une connaissance scientifique est la constatation A postériori de ce qu'elle a permis d'annoncer a priori . (p.23)

  •     Curieusement, l'Occidental se révolte à l'idée de devoir se réintégrer à l'ordre des choses déterminées et prévisibles. Il n'aime pas s'envisager lui-même sous la forme d'un phénomène biologique et statistique. L'idée de personnalité est indissolublement liée, dans son esprit, à ce qu'il appelle sa liberté, qui sous un certain angle se ramène à la non-prévisibilité. Il est prêt, parfois, à des actes absurdes, et jusqu'au suicide pour essayer de prouver q'il n'est pas déterminer. Et c'est en effet le grand « challenge » de la conscience occidentale que cette contradiction : avoir inventé l'esprit scientifique, qui repose sur le déterminisme et la prévisibilité absolue, et affirmer en même temps sur le plan moral la lberté de l'individu, son imprévisibilité et sa responsabilité. Comment concilier les deux ? (p.26/27)

  •     Franz Kafka, employé d'une compagnie d'assurance à Prague, avait compris que le système de l'assurance s'inscrit dans la lignée des méthodes de prévision de l'avenir, cette lignée dont l'ancêtre est la sorcellerie : « Le système des assurances, disait-il ressemble à la réligion des peuplades primitives qui croient pouvoir détourner le malheur par toutes sortes de manœvres» (p.33)

  •     ...une puissance qui a fait de la planification son idéal et sa doctrine (le système soviétique par exemple) ne peut que tendre à un contrôle, au moins économique, de la planète entière : la planification en serait idéalement simplfiée.[...] Il y a au fond du planisme, fatalement, une tendance totalitaire, non point pour des raisons politiques, mais pour des raisons techniques parfaitement valables : le souci de ne pas se tromper dans ses calculs prévisionnels. (p.35/36)

  •     Lénine, doscople de Clausewitz, disait que le marxisme, n'est pas une théorie, mais une méthode pour l'action[...] Le temps ne compte pas, à partir du moment où l'on considdère l'avenr comme ouvert... (p.38/39)

  •     L'opposition entre l'Es et l'Ouest, entre le monde dit communiste et le monde dit libre, réside pour une part infiniment plus importante qu'on ne le croit dans une conceptiondifférente de l'avenir et dans une conception propre à chacun, des méthodes de prévision de l'avenir. (p.40)

    Note : à lire l'intégralité du dernier sous chapitre 1 : La rétroaction qui est vraiment trop long pour être recopié en totalité: 6 pages à peu près. Mais cela vaut la peine d'être lu !!!

    Chapitre 2 DONNÉES NOUVELLES

  •     C'est l'un des aspects de l'accélération de l'histoire, que la révision fondamentle des procédés de pensée devient de plus en plus nécessaire, et de plus fréquemment, et qu'elle interfère de plus en plus avec notre existence quotidienne; (p.47)

  •     Encore du temps de nos grands-pèrees, il pouvait suffre de faire dans sa jeunesse de bonnes études, on acquérait alors un bagage intellectuel pour la vie.[...]
        Maintenant, c'est presque tous les dix ans qu'il faudrait renouveler notre équipement intellectuel. Il n'est pratiquement plus rien, pas même les mathématique, qu'on puisse maintenant apprendre une fois pour toutes.
    Mais celui qui ne suit pas le mouvement s'exclut, par cela même, du mouvement de la communauté humaine.[...]
        Rester souple d'esprit comme de corpss a toujours été souhaitable; dans les circonstances actuelles, c'est vital. (p.48/49)

  •     L'angoisse qui étreint maint de nos contemporains, c'est dans une large mesure la crainte de ne plus être capables; demain, de faire face. (p.49)

  •     Les traquilisants, chimiques ou mentaux peuvent résoudre des problèmes individuels : ils ne constituent par une solution humaine de l'angoisse. Le vrai remède, c'est de comprendre ce qui se passe. (Je n'ai qu'une raison décisive d'être antimilitariste ; c'est d'avoir trop souvent entendu dire à l'armée : « Faut pas chercher à comprendre. » Renoncer à comprendre, c'est renoncer à être homme.) (p.49)

  •     Par le choix qu'il fait des valeurs qu'il elimine et de celles par quoi il les remplace, chacun détermine et définitla place qu'il prend, la position qu'il adopte, lui personnellement, pzr rpport au mouvement généram de l'humanité, à un moment où ce mouvement prend une telle ampleur et une telle accélération qu'il n'est guère d'existence indivduellte qui n'en soit pas affectée.
        Ce n'est pas même se refuser à participer à l'aventure en se tenant à l'écart; c'est se résigner à n'y participer que passivement, comme le bouchon balloté sur la vague; sans même cette joie intense que donne, au moins, la conscience de l'aventure. (p.51)


  • L'humanité est en train d'acquérir — — ce qui était impensable il y a seulement une vingtaine d'années — le redoutable pouvoir d'agir sur le destin de l'espèce, et cela de deux façons au moins : soit en la détruisant, soit en la modifiant. (p.55)

  •     Cela étant du domaine du possible, ce ser, un jour, chose faite.
        [...] Ce sont des scrupules qui arrêtent certains un temps, pas tout le monde pour toujours. Tout ce qui est possible est, quelque jour, quelque part, tenté ; la seule question étant : quand, comment, par qui cela sera-t-il fait ? (p.57)

  •     Il y a, dans le « vivant » une « intelligence » certainement plus semblable à la notre que nous ne l'iùaginons généralement. (p.60)

    Chapitre 3 RÉVISION NÉCESSAIRES

  •     Une affirmation n'est valable que dans le mesure où elle est précédée de l'indication du système de coordonnées auquel on se réfère, par rapport auquel on situe cette affirmation ; la définition préalable du « systèmr de référence, » quelque chose comme,en musique, la clef du « sol » ou la clé du « fa ». (p.68/69)

  •     La vitalité d'une civilisation se mesure à la vitalité de ses mythes. Se régénérer, c'est renouveeler ses mythes. (p.68)

  •     Nos questions nous caractérisent plus exactement encore que ne le font les réponses que nous leur apportons.

        Le progrès humain, c'est davantage encore le progrès des questions posées que le progrès des réponses apportées. (p.85)

  •     Dieu est muet. Il s'abrite derrièe le mystère. Aussi fut-il bien que désormais on en reste à la question, et que l'homme ce grand nihiliste de l'univers, réduise tout en problèmes. (p.86)

  •     L'anthithèse entre humanisme et technique : un vieux bateau. Comme si la technique n'était pas, elle aussi humaine, et même précisément une caractéristique, sinon la caractéristique principale, de l'homme; comme si l'homme, sans sa technique, était encore l'homme.
        L'humanisme a pris au cours des âges trois formes, apparue succssivement, mais vivent aujourd'hui côte à côte.

        La plus ancienne forme de l'humanisme, c'est l'humanisme de l'homme tel qui doit être; tel qu'il doit être pour échapper à l'animalité. [...]

        La seconde forme, c'est l'humanisme de l'homme tel qu'il est. [...].

        Et voici qu'apparaît un troisième humanisme, celui de l'homme qui devient. (p.89/90/91)

    Chapitre 4 FIN DE L'HISTOIRE

  •     Dès à présent les conséquences de la densification humaine sont telles que l'échele des valeurs est modifiée. Ce qui jadis appartenait à tous le monde, devient, pour le civilisé, le comble du luxe. Dans nos collectivités urbaines déjà la hiérarchie des valeurs est inversée, il faut placer tout en haut de l'échelle comme le bien le plus précieux ce que l'on considérat naguère encore comme des dons gratuits et sans valeur : l'air pur, l'eau de source, l'espace, le silence, le loisir ; ces biens primordiaux dont dépend la sommeil des humains, leur équilibre mental et social. (p.127)

    Chapitre 5 LA GUERRE ET LA PAIX

  •     Le principal mécanisme spontané de rétablissement des équilibres, d'élimination des structures périmées, de rajeunissement et d'adaptation de l'humanité aura été, pendant la phase historique, la guerre. (p.123)

  •     La guerre, on sait ce que c'est. Il y a des guerres ; on les nomme, on les énumère. La guerre est une chose, et qui se laisse définir concrètement. On sait entre qui et qui se fait une guerre. On distingue une guerre d'une autre guerre. On dit « une guerre ».

        Mais on dit « la paix ». Il n'y a pas une paix et une autre paix encore. La paix n'est pas un objet isolable, définissable. Elle n'est que l'absence de guerre ; notion négative. Il n'y a qu'une seule paix, la même, dont le règne s'entrecoupe de guerres - à la façon dont la Nuit sidérale, universelle, primordiale, sur Terre s'entrecoupe de jours.[...]

        La guerre étant « quelque chose », on peut vouloir la guerre. Mais on ne peut pareillement vouloir la paix. On ne peut que la souhaiter, s'efforcer de la maintenir ou de la rétablir. Pour déclencher la guerre, il suffit de la volonté d'un seul des deux adversaires.[...]

        De même qu'on dit une guerre, mais qu'on dit : la, on dit : une maladie, mais on dit la santé. Comme il n'y a qu'une santé, il n'y a qu'une paix. Comme sa santé est une absence de malade, la paix est l'absence de guerre.[...]

        On ne vaccine pas contre la guerre.[...]

        Il est absolument indispensable de regarder bien en face le phénomène sans fausse pudeur ; de le considérer comme une fonction naturelle de l'organisme humain collectif.[...] (p.123/127)

    NOTE : je ne peux que conseiller aux lecteurs de ce chapitre de le lire dans son entièreté....entre la page 123 et 139.

    Chapitre 6 MACHINE À PENSER, MACHINES À GOUVERNER

  •     « Des machines à penser ? Vous voulez rire ; l'homme seul pense, et il en sera toujours ainsi », disait-on encore récemment, Je tairai par charité, les noms de ceux qui s'exprimaitent ainsi naguère. (p.141)

  •     En quelques années les machine éléctroniques sont passées du stade du simple calcul à des opérations d'ordre intellectuel ; en fait, toutes les opérations réductibles à l'information numérique et au raisonnement logique. (p.141/142)

  •     Logique, mémoire,imagination, attention, accumuation de l'expérience, correction des erreurs...n'est-ce pas penser ? (p.142)

  •     En tout cas, outil ou machine, le propre de la trouvaille humaine est l'associaton, la combinaison, l'intégration d'éléments divers en un seul instrument ; leu appareillage. C'est en cela que réside la méthode, la technique. (p.147)

  •     Mais les civilsation d'Afrique noire on refusé refusé la roue comme moyen de transport. Une civilisaton se caractérise autant par son refus d'adopter certaines techniques, que par les techniques qu'elle adopte.
        Pourquoi refuser la roue ? Parce que la roue n'a de sens et d'utilité que quand il y a une route pour rouler dessus ; ou au moins un chemn assez large. (p.149)

  •     De même un jour prochain nos langages disposeront de deux vocables différents pour désigner deux formes de pensée : la pensée organique, à l'aide du cerveau - et la pensée à l'aide de la machine. (p.159)

  •     Plus l'humanité sait des choses, moins elle sait qu'elle les sait; ce qui est une nouvelle forme d'ignorance. (p.165)

  •     Savoir ce que sait « l'autre » mieux que « l'autre » ne sait ce qu'on sait soi-même peut être un avantage décisif. (p.166)

  •     Cependant le langage n'a pas qu'une fonction d'instrument de communication. Il sert aussi à d'autres activité : l'enregistrement de l'information d'abord - mais ce n'est encore là qu'une forme de l'enregistrement ; simplement une communication à travers le temps, et non plus à travers l'espace, ce qui ne pose pas de problème nouveau.
        Mais il servira aussi à la manipulation des concepts représentés par les mots : le raisonnement par exemple. La pensée n'est en fait guère autre chose que la manipulation des concepts contenus dans les mots ; donc en dernier ressort une manipulations des mots. (p.175/176)

    Chapitre 7 L'ÉTERNEL FÉMININ

  •     Le fond de l'être vivant, sa matière fondamentale, la base biologique, c'est l'être féminin. L'être masculin n'est qu'un accident. [...] Le Féminin est la Nature, le masculin l'Histoire.
    [...] (p.187.188)

  •     Affectivement, l maternité est un fait biologique fondamental, la paternité, n'est qu'un fait social et secondaire.Pater is est, quem nupt: ae demonstrant. Le père c'est l'époux de la mère. (p.193)

  •     La cadence de développement d'un groupe humain donné est rigoureusement déterminée, à la longue, par la cadence de développement de son élément féminin. (p.198)

  •     C'est des femmes, et d'elles seules que dépendra - qu'a toujours dépendu - la stabilité du groupe animal qu'est l'espèce humaine. (p.202)

    NOTE : je ne peux que conseiller aux lecteurs de ce chapitre de le lire dans son entièreté....entre la page 187 et 209.

    Chapitre 8 LA JEUNESSE

    Chapitre 9 EFFETS DE LA DENSIFICATION

    Chapitre 10 LA PERSONNA

  •     Vieillir, c'est devenir la caricature de soi-même. (p.252)

    Chapitre CONCLUSION : AVOIR DE L'AVENIR DANS L'ESPRIT

  •     [...]S'il est exact que l'humanité soit une espèce en cours de mutation, il ne reste qu'à en prendre son parti, et tâcher de faire bonne figure dans le processus. Fata volentum ducent, nolentum trahunt. [NOTE : traduction en français de cette phrase latine, par Google translate : "Le destin guidera ceux qui le veulent, il entraînera ceux qui ne le veulent pas."]. Il vaut mieux ne pas se laisser traîner âr son destin, mais aller vers lui la tête haute et en la regardant où on met les pieds. Ne pas « entrer dans l'avenir à reculons », disait Paul Valéry.
        Tant qu'à faire, il vaut mieux comprendre, accepter, aimer son destin. C'est la seule façon de ne pas gâcher sa vie. C'est aussi la meilleure façon de franchir la barre à l'embouchure des fleuves : en l'abordant de face. (p.269)

  •     Lorsqu'il s'agit de notre existence, c'est son cours lui-même, et non son terme, qui est le « but », ce qui lui donne son sens. (p.271)


    (Éditions Payot, Paris 1964. Lu dans la collection "Petite bibliothèque Payot" n° 60)



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dernière mise à jour : 30/01/2025 version: YF/12/2024